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Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/12

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éblouïſſant de vôtre ſtile m’avoit fait prendre pour des verités, des ſophiſmes très captieux pour ceux qui ne vous liront qu’une fois, & qui comme moi, ſe laiſſent trop facilement éblouïr par les charmes de l’élocution. La ſeconde lecture m’a tranquiliſé : mon eſprit éclairé par mon amour propre a vû diſſiper le preſtige, & vôtre lettre ne m’a plus paru que l’amuſement d’un Auteur ingénieux qui vouloit prouver au monde combien il eſt facile à l’eſprit de donner au menſonge l’apparence du vrai. La troiſiéme lecture enfin ne m’a plus laiſſé voir qu’un ouvrage de la prévention, & peut-être du reſſentiment.

J’aurois apperçu cela du premier coup d’œil, ſi je n’avois pas contracté comme tant d’autres lecteurs, la mauvaiſe habitude de me laiſſer entraîner par l’eſprit avant de conſulter le bon ſens. La peur que vous m’avez donné me rendra plus ſage à l’avenir. Je ſuis Comédien encore un coup, & vôtre ouvrage m’avoit preſque perſuadé qu’il n’eſt pas poſſible à un Comédien d’être honnête homme. J’allois me regarder comme un monſtre dans la ſociété, ſi je n’euſſe eu recours à ma conſcience, au ſens commun & à la Religion : je les ai conſulté tous trois : tous trois m’ont aſſuré que vous aviez tort. Je ne leur ai fait aucune queſtion ſur le premier objet de vôtre libelle : les matieres théologiques ſont trop au deſſus de moi : d’ailleurs ce ſeroit entreprendre ſur M. d’Alembert ; qui peut mieux que lui, réfuter les reproches que vous lui