Page:Dancourt - À Mr. J. J. Rousseau, 1759.djvu/156

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velle Accadémie des Sciences, une autre de Poëſie une autre de Peinture fondées pour des Dames. Nous aurons des Doctoreſſes en Médecine, en Droit, en Théologie même : pourquoi non, ſi nous trouvons déjà parmi elles de grandes Héroines militaires & des modeles pour les Rois dans l’art de gouverner ? Il me paroit que ces deux dernieres ſciences valent bien toutes celles où vous vous imaginez qu’elles ne pourroient atteindre. Eſt-il plus difficile d’être une Sapho que de vaincre le grand Cyrus ? Eſt-il plus facile de confondre la Politique d’un Philippe II. & de ſe faire admirer dans l’art de bien gouverner par Henri IV. & Sixte Quint, que de faire une Tragédie comme Corneille ou Racine ? Eſt il plus difficile d’avoir un grand génie dans un Cabinet, ou dans un Attelier de Peinture ou de Sculpture qu’à la tête d’une Armée comme Tomiris, Candace, Marguerite de Dannemarck & Philippine de Suéde, ou ſur le Trône & dans un Conſeil, comme Blanche de Caſtille en France, Eliſabeth en Angleterre.

Vous direz peut-être que ces Héroines ne doivent leur gloire & leur réputation qu’à la ſageſſe de leurs Conſeils ; je vous réponds moi, qu’un mauvais Conſeil peut bien tromper un bon Roi, & l’empêcher de faire le bien auquel il eſt porté, mais que les meilleurs Miniſtres n’empêcheront jamais un méchant Prince de faire du mal, un Monarque ſans génie d’être petit en tout, un Monarque imbécille de faire des ſottiſes.