Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/110

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insensées vivent encore ici-bas pour son tourment. Combien en est-il sur la terre qui fatiguent tes yeux de leur pourpre odieuse et qui tomberont dans les fanges du Styx, comme de vils sangliers, laissant à leur nom l’héritage de leur opprobre !

— Maître, repris-je, tandis que nous sommes ici, ne pourrais-je voir encore cette ombre infâme se débattre sur l’onde noire ?

— Tu la verras, me dit-il, avant que cette proue touche au rivage.

Et bientôt après la foule bourbeuse des enfants du Styx s’éleva et se jeta en fureur sur cette âme, et j’entendais ces cris redoublés : À PHILIPPE ARGENTI [3]. Le Florentin, désespéré, tournait sur lui-même sa dent meurtrière : je le vis, et j’en loue l’éternelle justice.

Ce spectacle m’arrêtait encore lorsque, frappé des sons plaintifs qui arrivèrent jusqu’à moi, je portai mes regards dans l’éloignement.

— Dans peu, dit mon guide, tu découvriras la cité du prince des Enfers et l’affluence des esprits resserrés dans ses murs.

— Déjà, répondis-je, mon œil aperçoit dans ces gorges lointaines des tours rougissantes comme si la flamme les eût pénétrées.

— Tu les vois, ajouta le poëte, se colorer des feux de l’incendie éternel allumé dans leur sein.

Parcourant ainsi les fossés profonds dont