Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/49

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vis-tu point cette heureuse colline, où tu puiserais à la source des véritables joies ?

Saisi de respect, je m’écriai :

— Vous êtes donc ce Virgile dont la voix immortelle retentit à travers les siècles ? ô gloire des poëtes ! la mienne est d’avoir connu vos oeuvres ; je les consacrai dans mon cœur, et c’est de vous que j’appris à former des chants dignes de mémoire. Mais voyez ce monstre qui me poursuit, et tendez-moi la main, illustre et sage ; car je chancelle d’épouvante, ma chaleur m’abandonne.

— Prends donc une autre route, me dit-il en voyant mes larmes, si tu veux fuir ce lieu fatal ; car la louve qui t’épouvante garde éternellement le passage de la colline ; et quiconque oserait le franchir y laisserait la vie : elle ne connut jamais la pitié, et la pâture irrite encore son insatiable faim. Dans ses amours, elle s’accouple avec différents animaux, et se fortifie de leur alliance. Mais je vois accourir le lévrier généreux [6] qui doit la faire expirer dans les tourments ; il naîtra dans les champs de Feltro [7] : incorruptible et magnanime, il sauvera ces malheureuses contrées, pour qui tant de héros versèrent leur sang, et poursuivra la louve jusqu’à ce qu’il la précipite aux enfers, d’où jadis elle fut déchaînée par l’envie. Maintenant, si ton salut te touche, tiens, il est temps de suivre mes pas, et je te conduirai aux portes de l’éternité : c’est là