Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/48

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blée à la vue d’un lion qui m’apparut, et qui, marchant vers moi, la tête haute, fendait l’air frémissant, avec tous les signes de la faim homicide.

Une louve le suivait [4], et son effroyable maigreur expliquait ses désirs insatiables : elle avait déjà dévoré la substance des peuples. Son funeste regard me remplit d’une telle horreur, que je perdis l’espoir et le courage de monter sur la colline. Semblable à celui qui ouvre hardiment sa carrière, mais qui bientôt s’épuise, et déplore ses forces perdues, tel je devins à l’aspect de cette bête furieuse, qui, se jetant toujours à ma rencontre, me força de rebrousser dans les ténèbres de la forêt.

Tandis que je roulais dans ces profondeurs, un personnage, que la nuit des temps couvrait de son ombre, se présenta devant moi. Ravi de le trouver dans cette vaste solitude :

— Ayez pitié de moi, m’écriai-je, qui que vous soyez, fantôme ou homme réel.

— Je fus, me répondit-il, mais je ne suis plus un mortel. C’est en Italie et dans la profane Rome que j’ai vécu, vers les derniers jours de César, et sous l’heureux Auguste ; Mantoue fut ma patrie [5], et c’est moi qui chantai le pieux fils d’Anchise qui revint d’Ilion, quand les Grecs l’eurent mis en cendres. Mais toi, dis pourquoi tu te replonges dans cette vallée de larmes ? pourquoi ne gra-