Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/57

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devaient s’asseoir un jour les pontifes du monde ; et lorsqu’enfin il termina, au séjour des âmes heureuses, ce voyage que votre voix a célébré, il y entendit les présages de ses victoires et la future destinée de Rome. C’est encore dans ces lieux que pénétra l’apôtre des nations [2], pour y raffermir sa foi chancelante. Mais moi, qui suis-je pour marcher sur les traces de Paul et d’Énée ? Qui m’a promis un tel honneur après eux ? Je recule d’effroi avant de me jeter dans ces profondeurs. Antique sage, éclairez et soutenez mes pas incertains.

Je m’arrêtai alors sur le penchant du gouffre, et j’envisageai tout pensif les périls du voyage. J’étais dans l’attitude d’un homme assailli de pensées diverses, dont la volonté flottante détruit toujours les nouveaux conseils qu’elle reproduit sans cesse ; mais l’ombre romaine me ranima par ces paroles :

— Que dis-tu ? Je vois que ton âme s’abandonne elle-même, et tombe irrésolue : semblable au coursier qu’une ombre épouvante, elle éprouve ce trouble qui flétrit l’homme à l’aspect de la gloire périlleuse. Pour dissiper la frayeur qui t’enchaîne, apprends donc ce qui m’amène à toi, et comment le cri de ta misère a pu m’émouvoir. J’étais parmi les ombres qui errent suspendues au bord des Enfers [3], lorsqu’une femme m’apparut et m’appela [4]. Attiré par sa beauté, j’accourus, impatient de connaître ses désirs. Ses yeux brillaient