Aller au contenu

Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Enfers, parce que mon âme ne craint point des maux qui ne sauraient l’atteindre. Je suis telle aujourd’hui, par la faveur de mon Dieu, que vos extrêmes misères n’arrivent plus jusqu’à moi, et que les flammes de l’abîme ne peuvent altérer ma substance. Il est dans les Cieux une femme qui pleure sur l’infortuné que vous allez sauver, et qui fatigue pour lui l’inflexible justice. Elle s’est tournée vers Lucie, et lui a dit : « Ne refuse point ton assistance à celui qui te fut fidèle, et vois son abandon. » Lucie, pur symbole de la charité, s’est émue et s’est avancée vers moi. J’étais avec l’antique Rachel. « Ô Béatrix, m’a-t-elle dit, miroir des perfections de ton Dieu ! pourquoi délaisses-tu celui qui t’a tant aimée, et qui jadis, pour te suivre, quitta les sentiers vulgaires du monde ? N’entends-tu pas ses profonds gémissements ? Ne vois-tu pas que la mort l’environne de son ombre, sur ce fleuve que l’Océan ne connut jamais ? » L’intérêt ou le plaisir n’emportent pas les enfants des hommes avec plus d’ardeur que ces paroles ne m’en ont inspiré. Je suis descendue de ma demeure sainte et j’ai volé vers vous pour implorer le secours de ce langage qui a fait votre gloire et la gloire de votre siècle. »

À ces mots, elle a tourné sur moi ses yeux remplis de larmes, pour redoubler mon zèle ; et moi, suivant son désir, je suis accouru vers