Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/83

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— A quoi servent tes cris, lui dit mon guide ? tu ne peux retarder son fatal voyage : telle est la volonté qui de tout est la loi ; et nous descendîmes sans résistance.

Là commencèrent à se faire entendre des voix plaintives ; c’est là que mon oreille fut frappée de cris multipliés : me voilà enfin parvenu dans cette nuit que ne récréa jamais un léger crépuscule.

L’air y mugit comme une mer tempêtueuse, irritée du combat des vents.

L’ouragan infernal parcourt sans relâche ces noirs circuits, emportant les âmes dans sa course, et les froissant dans un choc éternel.

Souvent, le tourbillon les pousse vers les côtes escarpées de l’abîme ; et c’est alors qu’on entend les cris de la douleur et les hurlements du désespoir qui insulte le ciel.

J’appris que de tels tourments étaient réservés aux âmes charnelles dont l’amour enivra la raison.

Elles passaient rapidement devant nous, en prolongeant des sons lamentables, ainsi que les grues, dont les noires files attristent les cieux d’un chant lugubre ; et comme on voit de nombreux bataillons d’oiseaux fuir devant la froidure, ainsi le souffle impétueux chassait la foule des ombres toujours agitées dans le reflux convulsif de la tempête, toujours haletantes après une trêve passagère, qui ne leur fut pas promise [2].