Page:Dante - L’Enfer, t. 1, trad. Rivarol, 1867.djvu/94

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Ciacco [2] ; et, comme tu vois, je suis jeté à la pluie éternelle, parmi les voraces enfants de la gourmandise. Ici, nous expions tous des excès communs par d’égales peines.

— Ô Ciacco ! lui dis-je, le spectacle que tu m’offres mérite bien tous mes regrets ; mais apprends-moi, si tu le sais, quelle fin est réservée à nos citoyens divisés ; s’il est encore un juste parmi eux, et comment la Discorde est venue s’asseoir dans nos tristes foyers ?

Il me répondit [3] :

— Après de longs débats, le sang coulera et la faction du dehors repoussera l’autre avec grande perte. Mais après trois moissons, celle-ci triomphera à son tour, secondée par un prince, naguères accouru d’une terre lointaine. Les vainqueurs lèveront leur tête altière et marcheront sur les fers des vaincus, qui seront rassasiés de larmes et d’ignominie. Deux justes vivent encore dans les murs de Florence, mais Florence les méconnaît ; car la Discorde a secoué son flambeau sur elle, et il en est jailli trois étincelles, l’Orgueil, l’Envie et l’Avarice [4].

L’ombre achevait son récit déplorable, mais pour prolonger l’entretien :

— Dis-moi, ajoutai-je, Farinat et Tegiao [5], ces dignes citoyens ; Rusticuci, Arrigo et Mosca, dont le cœur soupirait après la renommée, où sont-ils, dis-moi ? fais que je les voie, car je brûle de savoir si leur part est