Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/113

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nues qui passèrent tout à coup devant moi, écumant comme le sanglier échappé de sa bauge, et courant sur tout ce qu’elles rencontraient.

Je vis la première ombre qui avait assailli et renversé Capochio, le mordre aux nœuds du cou, et le traîner ainsi contre le fond raboteux de la vallée.

L’homme d’Arezzo, qui restait là tout consterné, me dit :

— C’est Jean Schichi le Florentin, que tu as vu dans cette âme furibonde [3].

— Puisses-tu, lui répondis-je, échapper aux dents cruelles de sa compagne, si tu m’apprends son nom et sa patrie !

— C’est, reprit-il, l’ombre de l’antique Myrrha, que l’amour rendit faussaire, lorsque, sous une forme empruntée, elle entra dans le lit de son père, et lui fit partager ses feux illégitimes [4]. Mais le Florentin, pour l’appât d’une belle jument, contrefit le visage du riche Donati, et dicta les volontés dernières d’un homme déjà mort.

Quand ces deux forcenés, qui promenaient leurs fureurs en tourbillonnant dans toute la vallée, se furent dérobés à ma vue, je voulus remarquer la file des autres réprouvés, et j’en vis un qui, malgré ses deux jambes, que l’ampleur de son ventre ne cachait pas encore, s’était arrondi en forme de luth, tant l’hydropisie dont il était gonflé avait rompu toute