Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/152

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ment, dans un si court espace, le soleil a remonté du soir vers le matin ?

— Tu crois être encore, me répondit-il, à la même place où tu m’as vu me prendre aux flancs du reptile immense qui sert d’axe à la terre ; et nous y étions, il est vrai, lorsque je descendais le long de ses côtes velues ; mais quand tu m’as vu tourner sur moi-même et remonter, je passais alors avec toi le centre du monde, ce point unique où tendent tous les corps. Tu foules maintenant les voûtes opposées au cercle de Judas ; te voilà dans l’hémisphère qui répond au nôtre ; voici l’antipode de cette masse aride que forment les trois parties de la terre habitée, et dont le centre fut arrosé du sang de l’Homme-Dieu : le jour luit pour ce monde quand il s’éteint pour l’autre. L’archange, dont tu ne vois plus que les pieds renversés, est toujours debout dans les Enfers. C’est sur cette moitié du globe qu’il tomba du haut des cieux ; la terre épouvantée se retira devant lui, et, se couvrant du voile de ses eaux, s’enfuit vers nos climats ; mais forcée de donner retraite à ce grand coupable, elle ouvrit un abîme dans son sein, et s’écarta pour s’élever en montagne vers l’un et l’autre hémisphère [7].

Il est, par delà les Enfers, une étroite et obscure issue qui retentit à jamais de la chute d’un ruisseau ; et c’est là que mon oreille fut avertie de la distance où j’étais de Lucifer [8].