Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/32

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dans d’autres bains que ceux de Serkio ; plonge-toi vite ou crains nos fourches [3].

Et sans attendre, ils les allongèrent sur sa tête, et le poussant tous ensemble, ils lui disaient :

— Te voilà pour jamais à l’ombre ; trafiques-y, si tu peux, en cachette [4].

Et ils le repoussaient toujours, comme on enfonce dans la chaudière fumante la viande qui surnage et se dessèche.

Alors le bon génie me dit :

— Va te mettre à couvert sous ces roches pour éviter la trop subite entrevue des démons ; et moi, j’irai seul pour les éprouver : sois sans crainte, car j’ai déjà vu de près ces tempêtes.

En parlant ainsi, il passait vers la base du pont ; mais il se montrait à peine sur l’autre bord, qu’il eut certes besoin de toute sa constance. Tels que des chiens en furie qui se précipitent aux cris de l’indigent, et le chassent avec fracas du seuil de nos demeures ; tels, à la vue du poëte, les démons s’élancèrent de leurs rochers, et, se jetant à sa rencontre, chacun d’eux lui présentait en tumulte sa fourche menaçante. Mais il leur cria :

— Traîtres, n’avancez pas : avant de lever vos mains sur moi, qu’un de vous s’approche et m’entende, et qu’ensuite il frappe, s’il ose.

Tous s’arrêtèrent et s’écrièrent à la fois :

— Ami, cours à lui.