Aller au contenu

Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/33

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Aussitôt l’un d’entre eux accourut, et dit à mon guide :

— Que veux-tu ?

Mais le sage lui répliqua :

— Penses-tu donc, malheureux esprit, que je vienne ici braver tes fureurs sans l’aveu du destin ? Ne retarde plus ma course ; une âme encore vivante doit passer avec moi, et notre voyage est écrit dans les cieux.

À ces mots, l’orgueil du rebelle s’abattit, et les mains lui tombèrent de honte et d’épouvante.

— Amis, dit-il aux autres, laissez-le en paix.

Cependant le maître m’appela sans tarder :

— Ô toi qui te caches dans ces rocs, désormais tu peux paraître !

— Et moi je me levai et j’accourus à sa parole ; mais voyant la troupe infernale qui s’ébranlait tout à coup, je craignis un retour perfide ; et comme ceux de Caprone, qui, malgré la foi du traité, ne passaient qu’en tremblant à travers les files ennemies [5], je m’avançai en me rangeant à côté de mon guide, observant toujours ces noirs visages et leurs funestes regards. Ils abaissaient tous de longues fourches, et l’un disait :

— Ne pourrais-je le toucher ?…

— Frappe, frappe, disait l’autre.

Mais celui qui s’entretenait avec mon guide tourna sa tête, et réprima d’un mot leur audace.