Page:Dante - L’Enfer, t. 2, trad. Rivarol, 1867.djvu/42

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procher du cœur du bon roi Thibault ; mais je ne tardai pas à faire auprès de lui le trafic dont je rends compte dans la poix bouillante [4].

Le Navarrois, parlant ainsi au milieu des démons, était comme la souris tremblante au milieu des chats perfides.

Déjà l’un d’entre eux, à qui deux longues défenses hérissaient les lèvres, lui faisait sentir leur pointe cruelle ; mais le chef l’entourant de ses bras :

— Laissez, laissez, dit-il aux autres ; c’est à ma fourche qu’il est dû.

Et d’abord se tournant vers mon guide, il lui cria :

— Faites-le parler encore avant qu’on le déchire.

Le sage prit donc la parole :

— Connaîtrais-tu quelque âme italienne dans la poix obscure ?

Le coupable répondit :

— Il en est une que les mers d’Italie ont vu naître, et j’étais naguère à ses côtés. Que n’y suis-je encore ! je n’aurais pas devant moi ces griffes et ces crocs.

— C’est trop de patience, cria l’un des démons.

Et, lui jetant sur les bras sa fourche recourbée, il en arrachait des lambeaux : un autre en même temps s’attachait à ses jambes ; et l’infernal décurion s’acharnait comme eux autour de l’ombre malheureuse.