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Page:Dante - La Divine Comédie (trad. Artaud de Montor).djvu/287

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le mouvement de celui qui se dispose à parler. Quelque précipitée que fût notre marche, mon guide ne laissa pas de me dire : « Tire donc l’arc que tu as bandé jusqu’au fer, et lance tes paroles. » Alors, rassuré, j’ouvris la bouche, et je commençai ainsi : « Comment, là où il n’est pas nécessaire de prendre de la nourriture, peut-on devenir si maigre ? — Si tu te rappelais, dit mon guide, comment Méléagre se consumait à mesure que brûlait le tison fatal, cela ne te paraîtrait pas si âpre à comprendre ; si tu te rappelais par quel art le miroir suit tous les mouvements de votre image, tu trouverais flexible ce qui te semble si dur. Mais pour que ton désir soit satisfait, écoute Stace ; je le conjure de guérir les plaies de ton esprit. »

Stace parla d’abord ainsi à Virgile : « Si je développe à ses yeux, en ta présence, ce que l’on voit dans ces lieux éternels, n’attribue qu’à mon obéissance l’explication que je vais donner. »

Ensuite il continua en ces termes : « Mon fils, si ton esprit écoute et garde mes paroles, tu vas savoir la cause de ce que tu demandes. La portion la plus pure du sang que les veines n’absorbent pas et qui demeure comme le superflu de la table, prend dans le cœur une vertu qui la rend propre à former les membres humains. Après une autre préparation, ce sang épuré descend dans cette partie qu’il convient plus de taire que de nommer, et se joint au sang d’un autre dans un vase naturel. Là les deux substances se réunissent : l’une prête à subir l’impression, l’autre prête à agir par l’effet de la perfection du cœur d’où elle provient. Ce sang générateur commence son opération en se coagulant, et met en action ce qu’il est destiné à féconder. La vertu active de ce sang, devenue âme végétative comme une plante, avec cette différence que l’opération de celle-ci est incomplète, et que celle de l’autre est parfaite, agit tellement, que déjà elle a reçu le mouvement et le sentiment, comme la plante marine, et qu’ensuite elle organise les puissances de l’homme dont elle est le germe.

« Mon fils, cette vertu, provenue du cœur du père où la nature a mis la semence de ces âmes, s’étend et se développe ; mais tu ne vois pas comment l’âme sensitive peut produire l’homme. Ce point a trompé un plus sage que toi. Dans sa doctrine, il a séparé de l’âme la faculté de comprendre, parce qu’il n’a pas vu que son intelligence, pour comprendre, employât aucun organe corporel.

« Donne ton attention à la vérité que je te fais connaître, et apprends