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Page:Dante - La Divine Comédie (trad. Artaud de Montor).djvu/293

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montrait du doigt une autre âme, fut encore un meilleur poète dans sa patrie ; en vers d’amour et en prose de romans, il surpassa tous ses rivaux ; et toi, laisse dire aux sots que le poète du Limousin l’a vaincu : ils écoutent le bruit que font les autres, plus que la vérité : et ils adoptent une opinion erronée avant que les juges éclairés et les hommes raisonnables aient eux-mêmes prononcé. Beaucoup d’anciens ont parlé ainsi de Guitton, en lui accordant de la réputation, de cris en cris ; cependant la vérité a triomphé, et la nouvelle opinion est confirmée par un plus grand nombre de juges. Mais toi, si tu jouis d’une telle faveur que tu puisses parvenir au fortuné collège gouverné par le Christ, fais dire pour moi, de la prière de Notre Père, ce qui est nécessaire pour nous dans ce monde où nous ne pouvons plus pécher. »

À ces mots, peut-être pour laisser la place à celui qui était près de lui, il disparut dans le feu, comme le poisson s’enfonce dans l’eau. Je m’adressai à l’esprit que Guido m’avait montré du doigt, et je lui dis que je désirais obtenir la faveur de savoir son nom.

Cet esprit commença à répondre gracieusement en ces termes : « Votre courtoise demande me plaît tant, que je ne puis ni ne veux me cacher à vous : je suis Arnaut qui pleure et vais chantant ; je vois avec chagrin ma folie passée ; mais je vois avec transport le bonheur que j’espère à l’avenir. Maintenant je vous supplie, par cette vertu qui vous guide au sommet, sans que vous éprouviez le tourment du froid ni celui du chaud, qu’il vous souvienne de soulager ma douleur. »

Ensuite il se perdit dans le feu qui purifie les âmes.