Page:Dante - La Divine Comédie (trad. Artaud de Montor).djvu/351

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rosité : à qui cependant convenait-il plus de dire : J’ai mal fait, et en accomplissant ma promesse, je ferai plus mal ? Il ne fut pas moins insensé, le grand chef des Grecs que ne fléchirent pas les larmes répandues sur le beau visage d’Iphigénie, et qui fit pleurer sur le sort de cette princesse les fous et les sages qui entendirent parler d’un vœu si barbare.

« Chrétiens, apportez plus de gravité dans vos actions. Ne soyez pas comme une plume qui s’agite à tous les vents ; ne croyez pas que toute eau puisse vous purifier. Vous avez pour guides, l’Ancien, le Nouveau Testament, et le Pasteur de l’Église ; qu’ils suffisent pour votre salut : si une passion coupable vous crie autre chose, soyez des hommes et non des animaux sans raison. Que l’Hébreu qui est parmi vous ne rie pas de vos déréglements ; ne faites pas comme l’agneau qui laisse le lait de sa mère, qui folâtre et joue imprudemment avec lui-même. »

Béatrix parla ainsi comme je l’écris ; ensuite elle se retourna, toute désireuse, vers l’endroit où la lumière du monde est la plus vive : son silence, son changement d’attitude, firent taire mon esprit curieux qui allait lui soumettre d’autres questions.

Aussi vite qu’une flèche frappe le but avant que la corde soit en repos, nous courûmes au second royaume.

Je vis Béatrix si belle et si heureuse, quand elle arriva dans la lumière de ce ciel, que la planète elle-même en parut plus resplendissante. Si l’étoile se changea et sourit, que ne dus-je pas devenir, moi qui suis naturellement susceptible de tant de transmutations ! Dans un vivier dont l’onde est pure et tranquille, les poissons s’élancent vers tout ce qu’on leur jette, s’ils croient y trouver quelque pâture ; ainsi une foule de lumières célestes se dirigèrent vers nous, et chacune s’écriait : « Voilà qui accroîtra nos amours. » Tandis qu’elles approchaient, on voyait leurs ombres pleines de joie dans le sillon rayonnant qu’elles répandaient autour d’elles.

Pense, ô lecteur, si ce qui commence ici n’allait pas plus avant, quelle soif pleine d’angoisse tu aurais d’en savoir davantage, et tu comprendras combien, dès qu’elles furent près de moi, je fus tourmenté du désir de connaître la condition de ces splendeurs !

Un de ces esprits pieux me dit : « Ô toi, né sous d’heureux auspices, à qui la grâce permet de voir les trônes du triomphe éternel, avant que tu aies quitté l’armée militante, apprends que nous sommes enflammés de la lumière qui s’étend dans tout le ciel. Veux-tu de nous quelques éclaircissements ? satisfais-toi à ton plaisir. »