Page:Dante - La Divine Comédie (trad. Artaud de Montor).djvu/355

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retourna vers votre occident, où il entendait la trompette du parti de Pompée.

« Brutus et Cassius aboient dans l’Enfer, au souvenir de ce que fit l’aigle, sous celui qui ensuite s’en empara de force, et fit pleurer Modène et Pérouse. On entend gémir encore la triste Cléopâtre, qui, pour fuir ses atteintes, reçut de l’aspic une mort subite et cruelle. Sous cet autre, l’aigle étendit sa domination jusqu’à la mer Rouge ; sous cet autre, elle procura au monde une si douce paix, que le temple de Janus fut fermé.

« Toutes ces victoires du signe dont je parle, remportées d’abord, et celles qu’il devait encore remporter dans le royaume mortel qui lui est soumis, deviennent en apparence faibles et obscures si l’on considère avec un œil éclairé et une affection pure ce que fut ce signe dans les mains du troisième César.

« La vive justice qui m’anime lui accordait, à celui que je signale, la faveur de venger une injure personnelle à Dieu même. Mais ici redouble d’admiration. Avec Titus l’aigle courut tirer vengeance de la vengeance de l’antique faute. Enfin, lorsque la dent lombarde mordit la sainte Église, Charlemagne lui accorda du secours, et triompha sous les auspices de l’aigle.

« Tu peux juger maintenant ceux que je viens d’accuser plus haut, et tu connaîtras quelles sont leurs erreurs, cause de tous nos maux. L’un oppose les lis d’or au signe légitime ; l’autre s’en proclame inconsidérément le défenseur. C’est une rude tâche de savoir qui des deux s’abuse davantage.

« Que les Gibelins continuent leurs menées sous un autre étendard ! Il connaît mal ce signe, celui qui l’arbore avec des prétentions injustes !

« Que ce nouveau Charles et ses Guelfes ne s’efforcent pas de l’abattre ; qu’ils craignent plutôt des serres qui ont déchiré la peau d’un lion plus redoutable ! Souvent les fils ont pleuré la faute de leurs pères.

« Qu’on ne croie pas enfin que Dieu change d’armes en faveur des lis.

« Cette petite étoile est ornée d’esprits sublimes qui ont recherché avidement l’honneur et la gloire. Lorsque les désirs ont eu pour but cette gloire mortelle, il convient que les rayons du véritable amour jettent une clarté moins vive. Nos gages sont mesurés sur notre mérite. Nous ne voyons ces rayons ni plus petits ni plus grands.

« Enfin, cette admirable justice de Dieu excite tellement notre affection que nous ne pouvons plus retomber dans aucune méchanceté.