Page:Dante - La Divine Comédie (trad. Artaud de Montor).djvu/376

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Les différents esprits revenus à la place qu’ils occupaient auparavant, s’arrêtèrent, comme la cire reste immobile dans le flambeau, et l’esprit qui m’avait d’abord parlé devenant plus brillant, m’adressa ces mots : « En regardant la lueur éternelle, je m’allume de ses rayons, et j’y lis toutes tes pensées. Tu as un nouveau doute, et tu désires que je te rende plus sensibles les explications qui t’ont déjà été données.

« Je t’ai parlé plus haut de la nourriture délectable et de cet homme après lequel il ne s’en est pas élevé un second. Ici il faut bien distinguer ces propositions. La Providence, qui gouverne le monde par cette puissance qu’aucun être créé ne peut approfondir, voulut que l’épouse, fidèle à son seigneur, et sûre dans sa marche, ne s’éloignât jamais de celui qui s’unit à elle en versant son sang béni, et en jetant de grands cris : par bonté elle daigna lui accorder deux guides secourables.

L’un fut rempli d’une ardeur séraphique ; l’autre eut en partage toute la sagesse des chérubins. Je ne parlerai que d’un seul : c’est les célébrer tous les deux en parlant de l’un ou de l’autre ; leur saint ouvrage n’eut qu’un même but.

« Entre le Tupino et cette onde qui tombe de la colline où le bienheureux Ubald avait choisi son séjour, au pied d’une haute montagne qui, suivant la direction des vents, envoie à Pérouse, vers la porte du soleil, la chaleur ou le froid, est une côte fertile, à l’opposé de Nocera et de Gualdo si mal situés ; sur cette côte, dans la partie où la pente est plus douce, naquit au monde un Soleil semblable à celui où je suis maintenant et que l’on voit quelquefois sortir des eaux du Gange : si l’on veut parler de ce séjour, qu’on ne l’appelle pas Assise, mais qu’on le nomme précisément l’Orient. Ce soleil était au commencement de sa carrière ; déjà il montrait à la terre l’éclat de sa haute vertu.

« Malgré la répugnance de son père, jeune, il aima cette femme à qui, comme à la mort, les hommes n’ouvrent jamais la porte du plaisir. Il l’épousa devant l’autorité spirituelle, et en présence même de son père.

« De jour en jour il l’aima davantage. Cette femme, veuve de son premier époux depuis mille et cent ans et plus, avait vécu jusqu’alors dans la retraite et l’obscurité. En vain elle avait tenu compagnie fidèle à Amiclas, et n’avait, comme lui, éprouvé aucune crainte, au son de la voix du héros qui faisait trembler l’univers ; en vain, pleine d’une patience admirable et d’une noble constance, elle était montée, avec le Christ, sur la croix dont Marie avait embrassé le pied. Je ne vais pas continuer un langage trop