Page:Dante Alighieri - La Vie nouvelle, traduction Durand Fardel.djvu/80

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Deviendrait une chose noble ou mourrait.
Et s’il se trouve quelqu’un qui soit digne
De la regarder, il éprouve les effets de sa vertu,
Et s’il arrive qu’elle lui accorde son salut
Il se sent si humble qu’il en oublie toutes les offenses.
Et Dieu lui a encore accordé une plus grande grâce :
C’est que celui qui lui a parlé ne peut plus finir mal.
L’Amour dit d’elle : comment une chose mortelle
Peut-elle être si belle et si pure !
Puis il la regarde, et jure en lui-même
Que Dieu a voulu en faire une chose merveilleuse.
Elle porte ce teint de perle[1]
Qui convient aux femmes, mais sans exagération[2].
Elle est tout ce que la nature peut faire de bien,
Et on la prend pour le type de la beauté.
De ses yeux, quand ils se meuvent,
Sortent des esprits enflammés d’amour
Qui blessent les yeux de ceux qui les regardent,
Et puis s’en vont droit au cœur.
Vous voyez l’amour peint sur ses lèvres
Sur lesquelles le regard ne peut demeurer fixé.
Canzone, je sais que c’est surtout les femmes
Que tu viendras trouver quand je t’aurai envoyée.
Maintenant, je t’avertis, puisque je t’ai élevée
Comme une enfant de l’Amour, pure et modeste,
Que, là où tu iras, ta dises en priant :
Apprenez-moi où je dois aller, car je suis envoyée

  1. Il répète souvent que la pâleur est la couleur de l’amour, et la teinte de la perle en est le type.
  2. Non fuor misura.