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CONTES DE NOËL

Philémon Sécette ; on s’est toujours bien arrangés, hormis une fois que j’ai mené David en cour pour une rigole qu’il avait passée sur ma ligne. Mais, à l’autre bout du rang, y avait un québecquois du nom de Florent Létourneau, qu’avait une fichue renommée. C’était un jeune homme brun, bien pris, proche de trente ans, pas marié. Il vivait tout fin seul dans une sorte de masure pas plus grande, je vous mens pas, qu’un râtelier à vaches. Personne savait pourquoi qu’il avait gagné le Nord, mais c’était toujours pas pour faire de la terre neuve. Il s’était défriché un quart d’arpent, c’est tout, où ce qu’il semait une poignée de patates. Il chassait du matin au soir, c’était comme ça qu’il arrivait à vivre. Puis, il avait une bonne jument, il faisait des voyages pour les uns et les autres. Jamais il n’allait à la messe. Le curé l’avait entrepris sur la religion, mais autant piocher les galets ; notre saint père le pape lui aurait pas ramolli la tête. Le dimanche, qu’il disait pour ses raisons, c’était son meilleur jour pour le lièvre et la perdrix. Quoiqu’il ne voisinait guère, il s’était amouré de la petite Alma Latour, et c’était la seule place qu’il fréquentait. Les meilleurs morceaux de ses chasses étaient pour Alma, et s’il gagnait une piastre, elle était sûre d’attraper quelque fanferluche. La petite folle l’aimait étou, mais elle le disait pas : elle avait peur de l’avoir pour mari. Si par cas il la tour-