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CONTES DE NOËL

sance et, une fois ôtés à la mère, mélangeant la moulée qu’elle leur faisait ensuite avaler en boulettes. Un de ses veaux avait eu le ruban à l’exposition agricole. De plus, elle tenait tous les comptes, étant la seule qui eût de l’instruction dans la famille.

Avec cela, plaisante à voir, toujours prête à rire et, sans être effrontée, à donner la riposte à l’attaque des garçons. Comme de juste, les cavaliers ne lui manquaient pas. Ils étaient trois ou quatre qui tournaient autour d’elle et cherchaient à se faire valoir. Elle avait avec tous le cœur sur la main ; mais, dame, il n’en sortait pas, de cette main : elle avait une façon de le retirer vite si quelqu’un s’avançait pour le saisir.

Elle disait : « Je suis bien comme ça. Je suis accoutumée ici ; j’ai mon père et ma mère qui m’aiment et ne me maganent pas. J’ai mon ouvrage, je connais toutes mes poules et toutes mes bêtes à cornes, tous mes pommiers et tous mes carrés de citrouilles. Je tourne et je vire comme je veux : pourquoi m’en irais-je servir un homme ? »

François Bénard surtout la courtisait assidûment. C’était un gars de huit ans plus âgé qu’elle, entré déjà dans la seconde jeunesse. Il cultivait une terre à lui qu’il avait eue par héritage, et ses entreprises prospéraient. Un garçon travailleur, honnête et de bon accord : un excellent parti que bien