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LE NOËL DE CAROLINE

d’autres filles reluquaient. Très montrable, du reste, avec sa haute stature, sa carrure robuste, et la barbe onduleuse qui lui encadrait le visage. Il la portait, cette barbe, telle que l’avait portée son défunt père Firmin Bénard : libre et touffue, découvrant juste les yeux, le nez et les pommettes, rayonnant à droite et à gauche en « crocs » spatuleux, contournant la mâchoire, enserrant le menton, la lèvre, et s’épanouissant par le bas en deux demi-lunes symétriques. Cette barbe était d’un châtain clair, soyeuse et proprement peignée. Seules quelques petites folles en riaient, la trouvant démodée. Tout le monde admettait que François, sans être absolument beau, avait l’air digne et respectable.

François aimait Caroline Gingue à n’en pas dormir les nuits. Depuis deux ans au moins il lui consacrait ses dimanches et le plus de veillées qu’il pouvait. Il pensait à elle sans relâche et ne trouvait son plaisir qu’à côté d’elle. À force de se trouver ensemble, ils étaient devenus comme des camarades et se traitaient de frère à sœur. La présence de François semblait à la fille aussi naturelle que celle d’un meuble familier. Quand elle entendait sa voiture franchir la barrière, elle disait : « C’est François », sans plus de surprise que de voir coucher le soleil. Quand il entrait, elle lui souriait tout en poursuivant sa besogne, et leurs paroles semblaient la suite d’un en-