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DE LA HIÉRARCHIE CÉLESTE.

assortie cependant du monde matériel, étant avéré d’ailleurs que ces formes vont au premier d’une tout autre manière qu’au second. Effectivement, chez les créatures privées de raison, l’irritation n’est qu’une fougue passionnelle, et leur colère un mouvement tout à fait fatal ; mais quand on parle de l’indignation des êtres spirituels, on veut au contraire marquer la mâle énergie de leur raison, et leur invincible persistance dans l’ordre divin et immuable. Également nous disons que la brute a des goûts aveugles et grossiers, des sortes de penchants qu’une disposition naturelle ou l’habitude lui a forcément imposés, et une puissance irrésistible des appétits sensuels qui la poussent vers le but sollicité par les exigences de son organisme. Quand donc imaginant des ressemblances éloignées, nous attribuons de la convoitise aux substances spirituelles, il faut comprendre que c’est un divin amour pour le grand Esprit qui surpasse toute raison et toute intelligence ; que c’est un immuable et ferme désir de la contemplation éminemment chaste et inaltérable, et de la noble et éternelle union avec cette sainte et sublime clarté, avec cette beauté souveraine qui n’a pas de déclin. De même, par leur fougue impétueuse, on prétend désigner la magnanime et inébranlable constance qu’elles puisent dans un pur et perpétuel enthousiasme pour la divine beauté, et dans un généreux dévouement à ce qui est vraiment aimable. Enfin, par silence et insensibilité, nous entendons, chez les brutes et chez les êtres inanimés, la privation de la parole et du sentiment ; mais en appliquant ces mots aux substances immatérielles et intelligentes, nous voulons dire que leur nature supérieure n’est point soumise à la loi d’un langage