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CHAPITRE IV.


souverainement bon qui a créé tous les êtres ? Mais en ce cas, comment peut-elle être essentiellement mauvaise, puisque la cause suprême ne produit que des œuvres bonnes ? Si au contraire l’âme est mauvaise dans ses actions, du moins ce n’est pas toujours : autrement et si elle n’était créée conforme au bien, d’où lui viendrait la vertu ? Reste donc à conclure que le mal est faiblesse et défection dans le bien.

XXXI. Toutes choses bonnes dérivent d’une cause unique. Puis donc que le mal est l’opposé du bien, toutes choses mauvaises dérivent de causes multiples ; non pas que ces causes soient les raisons d’être du mal, et le produisent par une efficacité positive ; elles ne sont au contraire que privation, faiblesse, mélange inharmonique de substances dissemblables. Le mal n’a pas de fixité, ni d’identité ; mais il est varié, indéfini, et comme flottant en des sujets qui n’ont pas eux-mêmes l’immutabilité. Tout ce qui est, même ce qui est mauvais, a le bien pour principe et pour fin ; car c’est pour le bien que toutes choses se font, et les bonnes et les mauvaises. Celles-ci même, nous les faisons par amour du bien ; car personne n’agit en se proposant directement le mal. Ainsi le mal n’est pas une substance, mais un accident des substances, et on le commet non point en vue de lui, mais en vue du bien.

XXXII. On ne doit pas attribuer au mal une existence propre et indépendante, ni un principe où il trouve sa raison d’être. Oui, il revêt une couleur plausible aux yeux de quiconque s’y abandonne, parce qu’on recherche le bien ; mais au fond, il n’est que désordre, parce que l’on estime bon ce qui n’est pas véritablement tel. Car autre est l’intention adoptée, et autre le fait accompli. Donc le mal fausse la route, n’atteint pas le but, trahit la nature, n’a ni cause ni