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LXIX
INTRODUCTION.

time l’une qu’il ne faut voir dans notre auteur qu’un païen très-versé dans la science des mystères d’Éleusis, et qui, des autels de Cérès et de Bacchus, passant dans l’Église catholique y fit présent à la religion du Christ des idées nobles et pures que voilaient sans doute les fêtes immondes de la gentilité[1].

Tels sont nos antagonistes. À présent, que le lecteur juge, en se souvenant que les dépositions s’apprécient par le nombre et l’unanimité, par la valeur intellectuelle et le caractère moral de ceux qui les font.

Or, le nombre est pour nous ; chacun a pu s’en convaincre par l’inspection même rapide des pages qui précèdent.

L’unanimité est pour nous. Douze siècles (de 300 à 1500) glorifient la mémoire de saint Denys l’Aréopagite, et reconnaissent l’authenticité des œuvres qui portent son nom. Il est vrai, d’obscures contradictions se font entendre un instant (vers 400 et 900) ; mais la croyance générale passe, en les couvrant par la majesté de son harmonieuse voix. Depuis trois cents ans (de 1500 à 1800), l’uniformité est rompue. Mais d’abord elle n’est pas universelle contre nous, comme elle l’a été pour nous. D’ailleurs elle n’a pas servi nos antagonistes durant douze siècles, comme elle nous a servis. Ainsi cet argument sera bon encore d’ici à neuf cents ans. Ensuite nous verrons.

Je ne puis m’empêcher de trouver un sujet de réflexions pénibles dans cette bonne fortune que fit si vite la négation insolente du protestantisme relativement à l’authenticité des œuvres de saint Denys. Le mensonge parle ; que dis-je ? il se montre ; on n’en voit que l’ombre, et il séduit ! La vérité parle aussi ; elle étincelle, elle resplendit d’une douce et pure clarté, et on la dédaigne ! Oui, en tous les points où le bien et le mal peuvent se toucher, Dieu laisse quelquefois prendre à celui-ci un scandaleux

  1. Baumgarten-Crusius, de Dionysio Areopagitâ.