Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/103

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Malgré tout, mon père a tenu parole. Et aujourd’hui, 3 septembre, après avoir traversé les bois qui relient Versailles à Moussy-en-Josas, nous arrivons chez mon grand-père. Il nous guette, depuis quelque temps déjà, assure-t-il, de la porte du jardinet qui précède la maison, et il nous fait entrer dans la salle à manger où Germaine, sa bonne, vient de servir le déjeuner.

C’est une créature bien curieuse, cette Germaine : une petite femme, toute petite ― six pouces de jambes et le derrière tout de suite, ― sèche comme les sept vaches maigres et noire comme un corbeau. Noire de peau, noire de prunelles, noire de cheveux ― des cheveux qu’on trouve souvent dans le potage, car elle est toujours décoiffée. ― Avec ça, pas vilaine du tout. Ma sœur dit quelquefois qu’elle voudrait bien avoir ses yeux et Mme  Arnal, qui l’a vue deux ou trois fois, prétend qu’elle aurait fait un beau petit garçon.

Mon grand-père n’a qu’une opinion sur elle :

— Elle vaut son pesant d’or.

Germaine, au contraire, a deux opinions sur son maître. Tantôt, c’est « la crème des