Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/213

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niers. C’était affreux. Personne n’a dormi cette nuit, dans le village ; on n’entendait que des gémissements et des sanglots…

Mon grand-père a des pleurs dans la voix et nous avons de la peine, nous aussi, à retenir nos larmes.

― Mais quel est le misérable qui avait tiré sur les Prussiens ? demande mon père.

― Qui ?… Est-ce qu’on sait ?… Des francs-tireurs ; de ces sales voyous parisiens qui ne sont bons qu’à faire arriver du mal aux gens inoffensifs… Ah ! les gredins !… Bref, pour finir, ce matin, une dizaine d’habitants sont venus me voir. Ils m’ont dit : « Monsieur Toussaint, il faut sauver les prisonniers. Il faut aller demander leur grâce au général, à Versailles ; dire que ceux qui ont tiré sur les Allemands sont étrangers à la commune ; que nous sommes incapables de nous livrer à des actes semblables ; que même nous les empêcherions, si c’était en notre pouvoir ; dire ceci, dire cela… la vérité, quoi !… Vous êtes au courant de bien des choses, vous connaissez les usages… ― un tas de compliments ― Voulez-vous y aller ? » Comment dire : Non. Comment ? Je vous le demande.