Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/270

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chambre de ma tante est éclairée par des bougies. Tout au fond, un chirurgien-major allemand, en uniforme, est assis, les jambes croisées, sur une chaise basse. Au pied du lit, près d’une table sur laquelle est posé un crucifix, la cuisinière campagnarde est agenouillée, un mouchoir appuyé sur les yeux. Et, sur les oreillers blancs, des cheveux gris, le haut d’une face couleur de terre apparaissent au-dessus du drap remonté très haut et qu’ont agrippé avec rage des doigts longs et amincis. Les doigts semblent se resserrer de plus en plus, les paupières battent, doucement. Mais les mains semblent s’ouvrir. Les doigts se détendent, par saccades, les paupières se relèvent, l’œil se retourne et une grosse bille, toute blanche, paraît sortir de l’orbite.

La paysanne fait le signe de la croix et je m’appuie à la cheminée pour ne pas tomber.


Un coup de sonnette retentit.

― Voilà M. Toussaint, dit Justine qui pleure à chaudes larmes. Je vais lui ouvrir.

Je la suis ; mais je ne dépasse pas le salon. Aussitôt que la femme de chambre en est sortie, j’ouvre tout doucement une fenêtre, j’en-