Page:Darien, Bas les coeurs, Albert Savine éditeur, 1889.djvu/287

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Je te reconduirai moi-même ce soir, quand nous aurons causé.

Nous déjeunons tranquillement et peu à peu, je sens mes angoisses s’apaiser, ma colère décroître et, malgré les frissons qui me secouent encore, je sens le calme descendre en moi.


― Mon enfant, me dit le père Merlin lorsque nous avons fini, tu parlais tout à l’heure d’aller révéler les horribles secrets qui te pèsent, de crier sur les toits les iniquités dont tu as été le témoin, de publier les mauvaises actions dont on s’est rendu coupable devant toi. Il ne faut pas faire cela. Il faut, comme tu l’as fait jusqu’ici, enfouir ces choses au fond de toi. Ne les oublie pas, souviens-t’en, au contraire, repasse-les souvent dans ton cœur. Laisse là ta colère, mais conserve ton indignation. L’indignation est toujours une chose juste. C’est pour cela qu’elle vit. Plus tard, quand tu seras grand, les frémissements qui t’agitent aujourd’hui te secoueront encore et ce sera peut-être au souvenir des ignominies qui t’ont fait horreur que tu devras d’être un homme. C’est une dure leçon qui t’est donnée là, mon enfant, tu le comprendras un jour.