Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/133

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Alors, comme un tonnerre, des exclamations indignées éclatent.

— Il y a des mulets, derrière la compagnie !

— Qu’on décharge les sacs des pieds-de-banc, il y aura de la place pour les malades !

— C’est indigne ! ― C’est affreux ! ― C’est une honte ! ― À bas les chaouchs !

Les menaces et les injures se croisent, les vociférations augmentent, le tumulte devient énorme. Le capitaine se dresse sur ses étriers :

— Garde à vos !… Baïonnette… on ! En avant… Pas gymnastique… Marche !

— Pas gymnastique sur place ! s’écrie Acajou dont la voix vrillarde de voyou perce les grondements irrités.

Et, comme à un mot d’ordre, la compagnie entière obéit au gamin dont la figure pâle est belle, vraiment, agrandie par la détente des nerfs toujours irrités du faubourien, éclairée par la lueur blafarde et féroce de l’héroïsme gouailleur.

On fait du pas gymnastique sur place. On n’avance point d’une semelle.

— Sergents ! hurle le capitaine, ces hommes-là ne veulent pas marcher ? Vous avez droit de vie et de mort sur eux ! Vous avez des revolvers, faites-en usage : brûlez-leur la cervelle !

Brusquement le tumulte s’apaise. Et, au milieu du silence effrayant, on entend le bruit sec que font les fusils qu’on arme.

Le capitaine est tout pâle. Le lieutenant Dusaule s’approche de lui et lui parle à voix basse. Il pique son cheval et part au galop.

Nous nous précipitons sur un mulet chargé des sacs des pieds-de-banc. Les sacs sont jetés à terre et