Page:Darien - Biribi (Savine 1890).djvu/139

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Acajou. S’il n’y a pas de quoi assaisonner ça avec du plomb en guise de fromage ! Tas de pantes, va !

Et il grimpe sur la pierre avec l’agilité d’un chat sauvage.

— Ah ! ah ! attention ! voilà le capiston… Ah ! le mec, ce qu’il doit rager ! Il est tout pâle ; on dirait qu’il a la colique… Dire que si je voulais, d’ici, je le rayerais du tableau d’avancement aussi bien que le ministre… Qui est-ce qui me passe mon fling ? Tiens… toute la bande des pierrots qui le suit. Ah ! là, là ! il y a de quoi se gondoler. Ils font des enjambées comme s’ils voulaient se dévisser les jambes… Et les corsicos, par-derrière, qui les menacent de les ficher au bloc… Tiens, je n’aperçois pas mon ami Craponi… C’est bien dommage… Je lui aurais offert quelque chose avec plaisir ; c’est pas de la blague, j’aimerais mieux lui donner un verre d’arsenic que de le laisser crever de soif… Il ne passe plus personne… Ah ! voilà trois types qui viennent de s’asseoir sur les pierres, presque en face de nous…

Je monte à mon tour.

Je ne vois que les trois malheureux qui se sont accroupis au bord de la route, trois nouveaux arrivés à la compagnie, sans doute, peu habitués à la marche, et que je ne connais pas. J’entends les pas de deux chevaux. Ce sont le médecin et le lieutenant-trésorier qui s’avancent botte à botte, en riant.

— Dites-donc, demande le major au lieutenant, en passant devant les trois pauvres diables qui viennent de secouer leurs bidons vides d’un air désespéré, dites-donc, est-ce qu’on leur laisse leurs vivres, aux hommes qui restent en arrière ?

— Mais oui ; pourquoi ?