brèves. Est-ce que quelque événement fâcheux n’a pas été la cause de mon voyage ? Est-ce que… ? Je rassure mon oncle ; je lui affirme qu’aucune affaire embarrassante, au moins m’intéressant directement, n’a motivé ma visite. Son visage se rassérène ; mais il s’assombrit de nouveau dès que je répète les menaces vagues proférées par le chef de l’État-Major, et qui visent la mémoire de mon père. Et lorsque je déclare à mon oncle que j’ai compté sur lui pour m’apprendre s’il y a dans ces insinuations autre chose que de la calomnie, il se lève et se met à marcher dans le salon sans répondre, très agité.
— Il n’est pas nécessaire, dit-il enfin, de t’apprendre combien je regrette d’avoir à te parler comme je vais le faire. Il est bien inutile aussi de te donner mon opinion sur les gens qui, après avoir fait bonne figure à ton père durant sa vie, s’attaquent à lui dès qu’il est mort. Il s’agit seulement de te dire si, à ma connaissance, ton père a commis un acte de nature à changer en exécration, sitôt connu, les sentiments admiratifs professés pour lui par tes compatriotes. Je te réponds franchement : oui. Ton père a laissé la réputation d’un homme qui avait fait plus que son devoir en 1870 ; réputation usurpée. On l’appelait communément : le héros de Nourhas. Il n’y a pas eu de héros à Nourhas ; ou, s’il y en eut un, ce ne fut pas ton père. C’est à l’affaire de Nourhas, sois en sûr, que faisait allusion le chef de votre État-Major ; or, comme tu t’en souviens, j’assistais à cet engagement. Je puis donc te dire exactement quel fut, ce jour-là, le rôle joué par ton père. Je vais t’exposer les faits sèchement, et sans aucun commentaire.
J’écoute avec l’émotion la plus grande ; l’accusation portée contre le mort se précise, va s’affirmer ; et je sais que c’est moi que doit frapper, le jour où la vérité sera connue, la condamnation qu’elle entraîne. Mon oncle, qui s’est arrêté un instant, s’assied et continue :