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ne fait pas retrouver les pièces de 5 francs qu’on lui expédie, et qui sont perdues pour tout le monde, excepté pour la réaction. Mais la République n’a rien appris, rien démontré, à la petite ouvrière, excepté ceci : qu’elle se fiche comme d’une guigne des femmes, des ouvriers, et des opprimés en général. Et la petite ouvrière, à qui un moine d’une congrégation non autorisée a prouvé en trois points qu’il faut tout attendre de Dieu et rien des hommes, a été grossir le troupeau de ces malheureuses qui aimeraient la liberté si elles pouvaient l’avoir ; mais qui ne peuvent pas l’avoir ; qui doutent tellement d’avoir jamais la liberté et le bonheur qu’elles finissent pas avoir peur du diable ; et qui, par lassitude, découragement et dégoût de la vie qu’on leur inflige, vont faire tapisserie dans les églises où les dames de la bourgeoisie prennent des poses sur leurs prie-Dieu.

Celles-là rendent grâces au Seigneur, qui est si bon, et permet à leurs maris de saigner les pauvres à gogo et de vider leurs poches. Le bon Dieu, comme disait Pottier, tient les mains des pauvres pendant ce temps-là. Il aime la bourgeoisie, le bon Dieu. La bourgeoisie le lui rend ; (il faut bien qu’elle aime quelque chose, après tout.) Voyez les dames de la bourgeoisie, à l’église ; comme elles sont belles et alléchantes, comme elles sont édifiantes et se tiennent bien. Elles ont des belles robes, et des beaux chapeaux, et des beaux jupons qui font frou-frou en traînant sur les dalles ; tout ça a été payé argent comptant et les factures sont dans les poches des messieurs qui plastronnent auprès des dames, et qui quelquefois sont leurs maris. Les maris sont propriétaires, ou fonctionnaires, ou autre chose ; des choses bien payées. Les fils des dames sont à côté d’elles, si gentils, avec des gueules qui promettent, des crânes de dolichocéphales et des uniformes de jésuitières ; les demoiselles sont plus près encore, très sages, avec des yeux modestes aux regards en coulisse dirigés vers des officiers dont les épaulettes reluisent derrière les colonnes, avec des virginités éprouvées par la vie du couvent, avec des cerveaux de canaris et des atti-