Page:Darien - La Belle France.djvu/269

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c’est la banqueroute, c’est la fin, la mort, la destruction. Ça sent la ruine, ça pue la crevaison. Ce n’est pas vrai, tout ça, les façades de carton-pâte et les murs de prison qu’elles cachent ; ça fait semblant d’exister, mais ça n’existe pas ; c’est sale et ça tient de la place, voilà tout. Ça symbolise, oui, toutes les choses moribondes, mortes, ridiculeusement crevées, qu’on impose à l’adoration des peuples, toute la pourriture sacro-sainte sous laquelle on a cherché à étouffer, durant tout le siècle, les germes de vie libre et féconde qui se développaient partout.

Et ces germes de vie libre et féconde, on ne les a pas tués, pourtant. Ils ont grandi à l’écart, dans la peine, dans le trouble, dans toutes les souffrances, au milieu de toutes les persécutions. Ils sont là — inventions, découvertes, idées, chefs-d’œuvre — emprisonnés derrière les murailles croulantes plaquées de façades neuves par les architectes de la danse du ventre. C’est toute l’Existence du Jour qui vient, cela. Ce sont toutes les possibilités d’aujourd’hui, dont on ne veut pas, qu’on aimerait tant supprimer, dont on refuse de faire usage, mais qui continuent à exister et qui se développeront demain dans leur puissance énorme. Il y a là, potentiellement, toute une vie nouvelle, libre et magnifique. Cette Vie est condamnée à ne point se manifester. Condamnée par qui ? Par la Mort ; par les croque-morts — par les saltimbanques funèbres qui s’appellent les pasteurs des peuples et qui sortent de cette caverne : l’État, ou de ce sépulcre : l’Église. La Puissance de la Vie, donc, a obéi cette fois encore au décret qui l’enchaîne, décret rendu par la Puissance de la Mort. Elle attend. Elle n’a point élevé de monuments ; elle n’a pas cherché à s’affirmer, à rien bâtir ; ses forces sont là, en réserve. Elle attend. Pour qu’elle apparaisse, il faut que les misérables murailles qui l’entourent s’écroulent, il faut que le terrain soit libéré de toutes les ordures qui l’obstruent. Le sol doit être balayé comme une aire, afin que puisse s’élever la nouvelle tour de Babel qu’il faut construire, celle dont nulle intervention divine ou humaine ne divisera les artisans, le grand monument de la Fraternité. Ça ira.