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LE VOLEUR

En effet, j’ai reçu une lettre d’Issacar qui m’appelle à Bruxelles. Mais, surtout je ne tiens pas à aller m’ennuyer, pendant deux ou trois jours, dans cette belle propriété que mon oncle a achetée, je crois, par habileté, et où il aime à recevoir des gens fort influents, mais qui me mettent la mort dans l’âme. J’ai même, peut-être, d’autres raisons.

— Vous nous manquerez. Nous avons l’intention d’abuser de l’hospitalité de votre oncle. Nous laissons Marguerite pour garder la maison, et nous partons demain matin, presque sans esprit de retour. C’est si joli, Maisons-Laffitte ! Et les courses ! Quelque chose me dit que je gagnerai demain. On m’a donné un tuyau, mais un tuyau…

— Moi aussi je viens vous parler de tuyaux, dit une grosse voix ; seulement, mes tuyaux à moi, ce sont des tuyaux d’orgue !

C’est l’abbé Lamargelle qui fait son entrée ; et j’en profite pour me retirer ; car, si la conversation de l’abbé m’intéresse, je n’aime pas beaucoup ses habitudes de frère quêteur. Ses églises en construction au Thibet ne me disent rien de bon ; et je préfère, pendant qu’on l’écoute, aller regarder l’heure du berger dans les yeux de Margot.


— Alors, Monsieur ne va pas à Maisons-Laffitte demain, me dit-elle dans l’antichambre.

— Mais, vous écoutez donc aux portes, petite soubrette ?

— Comme au théâtre, répond-elle en baissant les yeux.

— Eh ! bien, non, je n’y vais pas ; et je ne suis pas le seul ; car il paraît qu’on vous confie la garde de la maison.

— Hélas ! dit Marguerite avec un soupir. J’aurai le temps de m’ennuyer, toute seule…

La solitude, comme on l’a écrit, est une chose charmante ; mais il faut quelqu’un pour vous le dire. J’essaye de convaincre Margot de cette grande vérité. Elle finit par se laisser persuader. Je ne partirai pour Bruxelles qu’après-demain matin, et la nuit prochaine nous monterons la garde ensemble.