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Mais si la conception abstraite se trouve étroitement liée à une conception naturaliste et matérielle et que celle-ci soit identique des quatre côtés, sachant, d’autre part, que ces quatre religions ont un passé commun, l’hypothèse que cette conception abstraite est un héritage de ce passé, non une création du présent, pourra s’élever jusqu’à la certitude.

Or, ces Dieux qui organisent le monde, le gouvernent et le surveillent, ce Zeus, ce Jupiter, ce Varuna, cet Ahura Mazda, ne sont pas la personnification d’une simple conception abstraite. Ils sortent d’un naturalisme antérieur, dont ils sont encore mal dégagés : ils ont commencé par être des Dieux du ciel.

Zeus et Jupiter n’ont jamais cessé de l’être et d’en avoir conscience. Quand le monde a été partagé entre les dieux, « Zeus a reçu en partage le vaste ciel dans l’éther et les nuées[1]. » C’est comme dieu du ciel que tantôt il brille lumineux et tranquillement pur, trônant dans les splendeurs éthérées, que tantôt il s’assombrit, amasseur de nuées (νεφεληγερέτης) répandant les pluies célestes (ὄμϐριος, ὑέτιος) » lançant sur la terre le tourbillon des vents farouches, tendant l’ouragan du haut de l’éther, brandissant le tonnerre, l’éclair, la foudre (ϰεραύνιος, ἀστραπαῖος, βροντῶν)[2]. C’est pour cela que la foudre est son arme et son attribut, « la foudre au pied infatigable qu’il pousse dans les hauteurs »[3] ; c’est pour cela qu’il roule sur un char retentissant, brandissant de sa main le trident de feu ou bien le lançant sur les ailes de l’aigle ou de Pégase, coursiers aériens de l’éclair ; c’est pour cela qu’il est l’époux de Δημητηρ « la Terre mère », qu’il

  1. Iliade, XV, 192.
  2. Ibid. XIII, 795, 137 ; XII, 253 ; XVI, 361.
  3. Pindare, Olymp. IV. i.