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DROSERA ROTUNDIFOLIA.

dans l’eau, le lendemain matin quelques-uns des tentacules infléchis s’étaient redressés, ce qui prouve qu’ils n’étaient pas morts, mais les glandes étaient encore très-décolorées. J’examinai avec beaucoup de soin, dans une autre expérience, une feuille que j’avais laissée dans la solution pendant trois heures quinze minutes ; le protoplasma contenu dans les cellules des tentacules extérieurs, ainsi que celui des cellules des tentacules courts du disque, s’était considérablement agrégé jusqu’à la base des tentacules ; je vis distinctement les petites masses de protoplasma changer assez rapidement de position et de forme ; elles se réunissaient et se séparaient de nouveau. Ce fait me surprit beaucoup, car on dit que la quinine arrête tous les mouvements des corpuscules blancs du sang ; mais comme, selon Binz[1], cela provient de ce que les corpuscules rouges ne leur fournissent plus d’oxygène, on ne pouvait guère s’attendre à observer un tel arrêt de mouvement chez le Drosera. Le changement de couleur des glandes suffisait à prouver qu’elles avaient absorbé une certaine quantité de sel, mais je pensai d’abord que la solution n’avait pas pénétré jusqu’aux cellules des tentacules où le protoplasma était entraîné par des mouvements très-actifs. Je pense toutefois que cette hypothèse est erronée, car, après avoir laissé pendant trois heures une feuille dans la solution de quinine, je la plongeai dans une solution contenant 1 partie de carbonate d’ammoniaque pour 218 parties d’eau ; au bout de trente minutes les glandes et les cellules supérieures des tentacules étaient devenues noir foncé et le protoplasma présentait un aspect très-extraordinaire ; il s’était, en effet, agrégé en masses réticulées de couleur sale laissant entre elles des espaces arrondis et angulaires. Or, comme le carbonate d’ammoniaque seul ne produit jamais semblable effet, il faut l’attribuer à l’action de la quinine. J’observai pendant quelques temps ces masses réticulées, mais elles ne changèrent pas de forme ; il faut donc en conclure que le protoplasma avait été tué par l’action combinée des deux sels, bien qu’il n’ait été exposé que fort peu de temps à cette action.

Une autre feuille, après une immersion de vingt-quatre heures dans la solution de quinine, devint quelque peu flasque et le protoplasma de toutes les cellules s’agrégea. La plupart des masses agrégées étaient devenues incolores et présentaient une apparence granuleuse ; ces masses étaient sphériques ou allongées, ou, plus ordinairement encore, consistaient en petites chaînes recourbées composées de petits globules. Aucune de ces masses n’était en mouvement, et, sans aucun doute, le protoplasma était mort.

  1. Quarterly Journal of Microscopical science, avril 1874, p. 185.