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MODES ANORMAUX DE REPRODUCTION. ETC.

par lettre du 2 janvier 1868, que les essais tentés par lui sur la pomme de terre viennent d’être couronnés de succès. Après avoir enlevé tous les yeux d’une pomme de terre blanche à peau lisse, ainsi que ceux d’une pomme de terre rouge écailleuse, il les inséra réciproquement les uns dans les autres, et réussit à faire lever deux plantes. Parmi les tubercules produits par ces deux plantes, il s’en trouva deux qui, rouges et écailleux à une de leurs extrémités, furent blancs et lisses à l’autre, leur portion intermédiaire étant blanche et marquée de stries rouges. La possibilité de la production d’un métis de greffe peut donc être considérée comme bien établie.

Le cas le plus authentique que je connaisse de la formation d’un métis de greffe, après celui que nous venons de rapporter, a été publié par M. Poynter[1], qui m’a confirmé par lettre l’exactitude du fait. Une Rosa Devoniensis avait quelques années auparavant été entée sur une rose de Banks blanche. Du point de jonction assez étendu, outre les roses des deux variétés qui continuèrent à pousser comme à l’ordinaire, surgit une troisième branche, qui n’était identique à aucune des deux variétés, mais tenait un peu des deux. Ses fleurs ressemblaient à celles de la variété Lamarque, tout en leur étant un peu supérieures, et ses rameaux étaient analogues à ceux de la rose de Banks, sauf que les tiges les plus fortes étaient pourvues de piquants. Cette rose fut présentée au Comité floral de la Société d’Horticulture de Londres, et fut examinée par le Dr Lindley, qui conclut qu’elle devait certainement être produite par le mélange de la R. Banksiæ avec une rose semblable à la R. Devoniensis, car tout en étant plus vigoureuse et plus forte dans toutes ses parties, ses feuilles se trouvaient intermédiaires entre celles de la rose de Banks et de la rose Thé. Il paraît aussi que les cultivateurs de roses savaient déjà que la rose de Banks affecte quelquefois les autres variétés. Sans ce renseignement, on aurait pu supposer que cette nouvelle variété était due simplement à une variation de bourgeons, et ne s’était qu’accidentellement manifestée au point de jonction des deux anciennes.


Pour résumer les faits précédents : les renseignements relatifs à l’origine du Cytisus Adami sont assez précis pour qu’on puisse difficilement ne pas admettre qu’il ne soit un métis de greffe, surtout après d’autres faits analogues que nous venons de voir et qui rendent celui-là probable. L’état particulier et monstrueux des ovules, celui du pollen qui paraît normal, appuient l’idée qu’il ne doit pas être un hybride ordinaire résultant d’une reproduction séminale. D’autre part, il y a dans le fait que les deux mêmes espèces, les C. laburnum et purpureus, ont produit spontanément et par graine des hybrides, un puissant argument en faveur d’une origine analogue pour le C. Adami ; et quant à la tendance remarquable qu’il manifeste

  1. Gardener’s Chronicle, 1860, p. 672, avec figure.