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ACTION DIRECTE DE L’ÉLÉMENT MÂLE

déterminèrent Gärtner, fort sceptique à cet endroit, à entreprendre une longue série d’expériences soignées. Il choisit les variétés les plus constantes et obtint des résultats décisifs, qui montrèrent que la couleur de la pellicule du pois est modifiée lorsqu’on emploie pour sa fécondation le pollen d’une variété autrement colorée. De nouvelles expériences faites par le Rév. J. M. Berkeley[1] ont confirmé cette conclusion.

M. Laxton, de Stamford, occupé aussi d’expériences sur les pois pour déterminer l’action d’un pollen étranger sur la plante mère, a récemment observé un fait nouveau et important[2]. Il avait fécondé le grand Pois sucré, dont les cosses sont vertes, très-minces, et deviennent d’un blanc brunâtre lorsqu’elles sont sèches, avec du pollen du Pois à cosses pourpres, dont les cosses colorées, comme l’indique son nom, sont très-épaisses, et deviennent d’un rouge-pourpre pâle à l’état de dessiccation. M. Laxton a cultivé depuis vingt ans le grand Pois sucré sans lui avoir vu produire une seule cosse pourpre, et sans jamais avoir entendu dire que cela lui soit arrivé ; et cependant une fleur fécondée par le pollen de la variété pourpre donna une cosse nuancée de rouge pourpré, qu’il m’a obligeamment communiquée. Cette couleur occupait une longueur d’environ deux pouces vers l’extrémité de la cosse, et un espace plus petit près de sa base. Cette cosse, comparée à celle du Pois pourpré, toutes deux ayant été séchées, puis ramollies dans l’eau, se trouvèrent identiques par la couleur, qui, dans l’une comme dans l’autre, était limitée aux cellules placées immédiatement sous la membrane extérieure de la cosse. Les valves de celle-ci, dans le produit croisé, étaient décidément plus épaisses et plus fortes que celles de la plante mère, circonstance qui était peut-être accidentelle, car je ne sais jusqu’à quel point leur épaisseur peut être variable dans le grand Pois sucré.

Les Pois de cette dernière variété desséchés sont d’un brun verdâtre pâle, couverts de points foncés pourpres assez petits pour n’être visibles qu’à la loupe, et jamais on n’a eu connaissance que cette variété ait produit un pois pourpre ; mais dans la cosse croisée, un des grains était d’une teinte pourpre violacée magnifique, et un second était irrégulièrement tacheté de pourpre pâle. La couleur réside dans l’enveloppe extérieure du pois. Comme les pois de la variété à cosses pourprées sont d’une couleur chamois verdâtre pâle à l’état sec, il semblerait que ce changement remarquable dans la coloration du pois croisé ne puisse pas avoir été causé par l’action directe du pollen de la variété à cosses pourprées ; mais si nous remarquons que cette dernière variété a des fleurs pourpres, des marques sur ses stipules et ses cosses de cette couleur, et que le grand Pois sucré a aussi ses fleurs, ses stipules et des points microscopiques pourpres sur ses grains, nous ne pouvons presque pas douter que la tendance à la production de cette couleur chez les deux formes parentes n’ait, par sa combinaison, modifié la coloration du pois de la cosse croisée. Après avoir examiné ces échantillons, je croisai les deux mêmes variétés, et les pois d’une

  1. Gardener’s Chron., 1854, p. 404.
  2. Id., 1866, p. 900.