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SUR LA FORME MATERNELLE.

cosse, mais pas les cosses elles-mêmes, se trouvèrent teintés de rouge pourpré d’une manière plus apparente que ceux contenus dans les cosses non croisées produites en même temps par les mêmes plantes. Je dois faire remarquer que j’ai reçu de M. Laxton divers autres pois croisés, plus ou moins modifiés quant à la couleur ; mais ce changement était, dans ce cas, dû à une altération de la teinte des cotylédons, visible au travers de l’enveloppe transparente des pois ; or, les cotylédons étant une partie de l’embryon, il n’y avait rien là de remarquable.

Passons au genre Matthiola. Le pollen d’une variété peut affecter quelquefois la couleur des graines d’une autre plante employée comme plante mère. Je cite d’autant plus volontiers le cas suivant, que Gärtner a mis en doute des résultats analogues signalés antérieurement par d’autres observateurs. Le major Trevor Clarke, horticulteur fort connu[1], m’apprend que les graines de la souche de la Matthiola annua, ou Cocardeau, plante bisannuelle à fleurs rouges, sont d’un brun clair, tandis que celles de la M. incana sont d’un violet noirâtre ; et il a trouvé que, lorsqu’on féconde des fleurs de la plante rouge par du pollen de la seconde, elles donnent environ cinquante pour cent de graines noires. Il m’envoya quatre siliques de la plante à fleurs rouges, dont deux fécondées par leur propre pollen, renfermaient des graines d’un brun pâle ; et deux, qui avaient été fécondées par du pollen de la variété violette, contenaient des graines fortement teintées de noir. Ces dernières produisirent des plantes à fleurs violettes, comme la plante paternelle, tandis que les graines brunes donnèrent des plantes à fleurs rouges normales ; le major Clarke a obtenu sur une plus grande échelle les mêmes résultats. Il y a donc là une démonstration concluante de l’action directe du pollen d’une espèce sur la couleur des graines d’une autre espèce.


Dans les cas que nous venons d’examiner, à l’exception de celui du pois à cosses pourprées, il n’y a que les enveloppes de la graine dont la couleur ait été affectée. Nous allons maintenant voir que l’ovaire lui-même, soit qu’il forme un gros fruit charnu, soit qu’il reste à l’état d’enveloppe mince, peut être modifié dans sa couleur, sa texture, son goût, sa grosseur et sa forme, par un pollen étranger.


Le cas le plus remarquable, constaté par des autorités des plus compétentes est celui rapporté dans une lettre écrite en 1866, par M. Naudin au Dr  Hooker. M. Naudin raconte qu’il a vu croissant sur le Chamærops humilis des fruits que M. Denis avait fécondés avec du pollen du Dattier. La drupe produite était deux fois aussi grande et plus allongée que celle du Chamærops, et se trouvait sous ce rapport aussi bien que sous celui de sa texture, intermédiaire entre les fruits des deux parents. Ces graines hy-

  1. Voir le travail de cet observateur lu devant le Congrès international horticole et botanique de Londres, 1866.