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Page:Darwin - De la variation des animaux et des plantes sous l'action de la domestication, tome 1, 1868.pdf/443

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SUR LA FORME MATERNELLE.

Nous avons donné, avec quelques détails, les preuves de l’action du pollen étranger sur la plante mère, à cause de sa grande importance théorique, comme nous le verrons par la suite, et parce qu’en elle-même cette action est un fait singulier et même anormal en apparence. Elle est remarquable, au point de vue physiologique, car, en vertu de ses fonctions spéciales, l’élément mâle doit affecter non-seulement le germe, mais les tissus voisins de la plante mère. Quant à son anomalie, elle n’est qu’apparente, car en fait l’élément mâle joue un rôle analogue dans la fécondation ordinaire d’un grand nombre de fleurs. Gärtner a montré[1] en augmentant graduellement le nombre de grains de pollen pour arriver à féconder une Mauve, qu’un grand nombre de grains sont nécessaires pour développer, ou plutôt pour rassasier le pistil et l’ovaire. Quand une plante est fécondée par une espèce très-distincte, il arrive souvent que l’ovaire se développe complètement et rapidement sans qu’il s’y forme aucune graine, ou que les enveloppes de ces dernières s’achèvent sans qu’aucun embryon se montre dans leur intérieur. Le Dr Hildebrand a aussi montré, dans un travail récent[2], que chez plusieurs Orchidées, l’action du pollen propre de la plante lui est nécessaire pour le développement de l’ovaire, et que ce développement se fait, non-seulement avant que les tubes polliniques aient atteint les ovules, mais même avant que le placenta et les ovules soient formés ; dans ces orchidées, le pollen paraît donc agir directement sur l’ovaire. Il ne faut pas d’autre part, surévaluer, sous ce rapport, l’efficacité du pollen, car on pourrait, dans le cas de plantes croisées, objecter qu’un embryon formé aurait pu affecter les tissus voisins de la plante mère avant de périr à un âge très-jeune. On sait encore que l’ovaire peut, dans un grand nombre de plantes, se développer complètement, même en l’absence totale de pollen. Enfin, M. Smith (ancien administrateur de Kew) a observé sur un orchidée, Bonatea speciosa, le fait curieux qu’on pouvait déterminer le développement de l’ovaire par une irritation mécanique du stigmate. Toutefois, d’après le nombre de grains de pollen employés

  1. Beiträge zur Kenntniss d. Befruchtung, 1844, p. 347–351.
  2. Die Fruchtbildung der Orchideen, ein Beweis für die doppelte Wirkung des Pollen ; Botanische Zeitung, no 44 et seq., oct. 30, 1863 et 1865, p. 249.