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Page:Darwin - L’Origine des espèces (1906).djvu/274

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256 Objections diverses.  

donc dû se développer depuis une époque excessivement reculée ; mais nous ne savons rien de positif sur leur mode de développement. M. Mivart demande : « Peut-on concevoir que le petit d’un animal quelconque ait pu jamais être sauvé de la mort en suçant accidentellement une goutte d’un liquide à peine nutritif sécrété par une glande cutanée accidentellement hypertrophiée chez sa mère ? Et en fût-il même ainsi, quelle chance y aurait-il eu en faveur de la perpétuation d’une telle variation ? » Mais la question n’est pas loyalement posée. La plupart des transformistes admettent que les mammifères descendent d’une forme marsupiale ; s’il en est ainsi, les glandes mammaires ont dû se développer d’abord dans le sac marsupial. Le poisson Hippocampus couve ses œufs, et nourrit ses petits pendant quelque temps dans un sac de ce genre ; un naturaliste américain, M. Lockwood, conclut de ce qu’il a vu du développement des petits, qu’ils sont nourris par une sécrétion des glandes cutanées du sac. Or, n’est-il pas au moins possible que les petits aient pu être nourris semblablement chez les ancêtres primitifs des mammifères avant même qu’ils méritassent ce dernier nom ? Dans ce cas, les individus produisant un liquide nutritif, se rapprochant de la nature du lait, ont dû, dans la suite des temps, élever un plus grand nombre de descendants bien nourris, que n’ont pu le faire ceux ne produisant qu’un liquide plus pauvre ; les glandes cutanées qui sont les homologues des glandes mammaires, ont dû ainsi se perfectionner et devenir plus actives. Le fait que, sur un certain endroit du sac, les glandes se sont plus développées que sur les autres, s’accorde avec le principe si étendu de la spécialisation ; ces glandes auront alors constitué un sein, d’abord dépourvu de mamelon, comme nous en observons chez l’ornithorhynque au plus bas degré de l’échelle des mammifères. Je ne prétends aucunement décider la part qu’ont pu prendre à la spécialisation plus complète des glandes, soit la compensation de croissance, soit les effets de l’usage, soit la sélection naturelle.

Le développement des glandes mammaires n’aurait pu rendre aucun service, et n’aurait pu, par conséquent, être effectué par la sélection naturelle, si les petits n’avaient en même temps pu tirer leur nourriture de leurs sécrétions. Il n’est pas plus difficile de