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  Objections diverses. 257

comprendre que les jeunes mammifères aient instinctivement appris à sucer une mamelle, que de s’expliquer comment les poussins, pour sortir de l’œuf, ont appris à briser la coquille en la frappant avec leur bec adapté spécialement à ce but, ou comment, quelques heures après l’éclosion, ils savent becqueter et ramasser les grains destinés à leur nourriture. L’explication la plus probable, dans ces cas, est que l’habitude, acquise par la pratique à un âge plus avancé, s’est ensuite transmise par hérédité, à l’âge le plus précoce. On dit que le jeune kangouroo ne sait pas sucer et ne fait que se cramponner au mamelon de la mère, qui a le pouvoir d’injecter du lait dans la bouche de son petit impuissant et à moitié formé. M. Mivart remarque à ce sujet : « Sans une disposition spéciale, le petit serait infailliblement suffoqué par l’introduction du lait dans la trachée. Mais il y a une disposition spéciale. Le larynx est assez allongé pour remonter jusqu’à l’orifice postérieur du passage nasal, et pour pouvoir ainsi donner libre accès à l’air destiné aux poumons ; le lait passe inoffensivement de chaque côté du larynx prolongé, et se rend sans difficulté dans l’œsophage qui est derrière. » M. Mivart se demande alors comment la sélection naturelle a pu enlever au kangouroo adulte (et aux autres mammifères, dans l’hypothèse qu’ils descendent d’une forme marsupiale) cette conformation au moins complètement innocente et inoffensive. On peut répondre que la voix, dont l’importance est certainement très grande chez beaucoup d’animaux, n’aurait pu acquérir toute sa puissance si le larynx pénétrait dans le passage nasal ; le professeur Flower m’a fait observer, en outre, qu’une conformation de ce genre aurait apporté de grands obstacles à l’usage d’une nourriture solide par l’animal.

Examinons maintenant en quelques mots les divisions inférieures du règne animal. Les échinodermes (astéries, oursins, etc.) sont pourvus d’organes remarquables nommés pédicellaires, qui consistent, lorsqu’ils sont bien développés, en un forceps tridactyle, c’est-à-dire en une pince composée de trois bras dentelés, bien adaptés entre eux et placés sur une tige flexible mue par des muscles. Ce forceps peut saisir les objets avec fermeté ; Alexandre Agassiz a observé un oursin transportant rapidement des parcelles d’excréments de forceps en forceps