374 | Insuffisance des documents géologiques. |
connaître que les espèces tertiaires sont réellement distinctes des espèces actuelles, nous avons la preuve de l’existence fréquente de légères modifications telles que les demande ma théorie. Si nous étudions des périodes plus considérables et que nous examinions les étages consécutifs et distincts d’une même grande formation, nous trouvons que les fossiles enfouis, bien qu’universellement considérés comme spécifiquement différents, sont cependant beaucoup plus voisins les uns des autres que ne le sont les espèces enfouies dans des formations chronologiquement plus éloignées les unes des autres ; or, c’est encore là une preuve évidente de changements opérés dans la direction requise par ma théorie. Mais j’aurai à revenir sur ce point dans le chapitre suivant.
Pour les plantes et les animaux qui se propagent rapidement et se déplacent peu, il y a raison de supposer, comme nous l’avons déjà vu, que les variétés sont d’abord généralement locales, et que ces variétés locales ne se répandent beaucoup et ne supplantent leurs formes parentes que lorsqu’elles se sont considérablement modifiées et perfectionnées. La chance de rencontrer dans une formation d’un pays quelconque toutes les formes primitives de transition entre deux espèces est donc excessivement faible, puisque l’on suppose que les changements successifs ont été locaux et limités à un point donné. La plupart des animaux marins ont un habitat très étendu ; nous avons vu, en outre, que ce sont les plantes ayant l’habitat le plus étendu qui présentent le plus souvent des variétés. Il est donc probable que ce sont les mollusques et les autres animaux marins disséminés sur des espaces considérables, dépassant de beaucoup les limites des formations géologiques connues en Europe, qui ont dû aussi donner le plus souvent naissance à des variétés locales d’abord, puis enfin à des espèces nouvelles ; circonstance qui ne peut encore que diminuer la chance que nous avons de retrouver tous les états de transition entre deux formes dans une formation géologique quelconque.
Le docteur Falconer a encore signalé une considération plus importante, qui conduit à la même conclusion, c’est-à-dire que la période pendant laquelle chaque espèce a subi des modifications, bien que fort longue si on l’apprécie en années, a dû être probablement fort courte en comparaison du temps pendant lequel cette même espèce n’a subi aucun changement.