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508 Affinités mutuelles des êtres organisés.  

rement représentés que par un très petit nombre d’espèces ; ces espèces, en outre, sont le plus souvent très distinctes les unes des autres, ce qui implique encore de nombreuses extinctions. Les genres Ornithorynchus et Lepidosiren, par exemple, n’auraient pas été moins aberrants s’ils eussent été représentés chacun par une douzaine d’espèces au lieu de l’être aujourd’hui par une seule, par deux ou par trois. Nous ne pouvons, je crois, expliquer ce fait qu’en considérant les groupes aberrants comme des formes vaincues par des concurrents plus heureux, et qu’un petit nombre de membres qui se sont conservés sur quelques points, grâce à des conditions particulièrement favorables, représentent seuls aujourd’hui.

M. Waterhouse a remarqué que, lorsqu’un animal appartenant à un groupe présente quelque affinité avec un autre groupe tout à fait distinct, cette affinité est, dans la plupart des cas, générale et non spéciale. Ainsi, d’après M. Waterhouse, la viscache est, de tous les rongeurs, celui qui se rapproche le plus des marsupiaux ; mais ses rapports avec cet ordre portent sur des points généraux, c’est-à-dire qu’elle ne se rapproche pas plus d’une espèce particulière de marsupial que d’une autre. Or, comme on admet que ces affinités sont réelles et non pas simplement le résultat d’adaptations, elles doivent, selon ma théorie, provenir par hérédité d’un ancêtre commun. Nous devons donc supposer, soit que tous les rongeurs, y compris la viscache, descendent de quelque espèce très ancienne de l’ordre des marsupiaux qui aurait naturellement présenté des caractères plus ou moins intermédiaires entre les formes existantes de cet ordre ; soit que les rongeurs et les marsupiaux descendent d’un ancêtre commun et que les deux groupes ont depuis subi de profondes modifications dans des directions divergentes. Dans les deux cas, nous devons admettre que la viscache a conservé, par hérédité, un plus grand nombre de caractères de son ancêtre primitif que ne l’ont fait les autres rongeurs ; par conséquent, elle ne doit se rattacher spécialement à aucun marsupial existant, mais indirectement à tous, ou à presque tous, parce qu’ils ont conservé en partie le caractère de leur commun ancêtre ou de quelque membre très ancien du groupe. D’autre part, ainsi que le fait remarquer M. Waterhouse, de tous les marsupiaux, c’est le