Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/604

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est dans la force de l’âge, des armes formidables ; mais les défenses supérieures sont si allongées, et la pointe en est tellement enroulée en dedans (elle vient même quelquefois toucher le front), qu’elles sont tout à fait inutiles comme moyen d’attaque. Ces défenses ressemblent beaucoup plus à des cornes qu’à des dents, et sont visiblement impropres à rendre les services de ces dernières, qu’on a autrefois supposé que l’animal reposait sa tête en les accrochant à une branche d’arbre. Elles peuvent néanmoins, grâce à leur forme convexe bien prononcée, servir de garde contre les coups, lorsque la tête est un peu inclinée de côté ; ces cornes sont en effet « généralement brisées chez les vieux individus, comme si elles avaient servi au combat[1]. » Nous trouvons donc là un cas curieux, celui des crocs supérieurs du Babiroussa acquérant régulièrement dans la force de l’âge une disposition qui, en apparence, ne les approprie qu’à la défense seule ; tandis que, chez le sanglier européen, ce sont les crocs inférieurs opposés qui prennent, à un moindre degré, et seulement chez les individus très-âgés, une forme à peu près analogue, et ne peuvent servir de même qu’à la défense.

Chez le Phacochoerus Æthiopicus (fig. 67), les crocs de la mâchoire supérieure du mâle se recourbent de bas en haut, quand il est dans la force de l’âge, et ces crocs, très-pointus, constituent des armes offensives formidables. Les crocs de la mâchoire inférieure sont plus tranchants, mais il ne semble pas possible, en raison de leur peu de longueur, qu’ils puissent servir à l’attaque. Ils doivent toutefois fortifier ceux de la mâchoire supérieure, car ils sont disposés de manière à s’appliquer exactement contre leur base. Ni les uns ni les autres ne paraissent avoir été spécialement modifiés en vue de parer les coups, et pourtant, sans aucun doute, ils sont, jusqu’à un certain point, armes défensives. Le Phacochoerus n’est pas dépourvu d’autres dispositions protectrices spéciales ; il a, de chaque côté de la face, sous les yeux, un bourrelet rigide quoique flexible, cartilagineux et oblong (fig. 67), faisant une saillie de deux ou trois pouces ; ces bourrelets, à ce qu’il nous a paru, à M. Bartlett et à moi en voyant l’animal vivant, se relèveraient, s’ils étaient pris en dessous par les crocs d’un antagoniste et protégeraient ainsi très-complètement les yeux un peu saillants. J’ajouterai, sur l’autorité de M. Bartlett, que, lorsque ces animaux se battent, ils se placent toujours directement en face l’un de l’autre.

Enfin le Potomochoerus penicellatus africain a, de chaque côté de

  1. Voy. Wallace, the Malay Archipelago, vol. I, p. 435, 1869.