Page:Darwin - La Descendance de l’homme, 1881.djvu/70

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reusement aux phénomènes du retour dont nous nous occupons ici. Certaines conformations, qui se rencontrent régulièrement chez les individus inférieurs du groupe dont l’homme fait partie, apparaissent parfois chez ce dernier, bien que faisant défaut dans l’embryon humain normal ; ou, s’ils s’y trouvent, se développent ultérieurement d’une manière anormale, quoique ce mode d’évolution soit bien celui propre aux membres inférieurs du groupe. Les exemples suivants feront mieux comprendre ces remarques.

Chez divers mammifères, l’utérus passe peu à peu de la forme d’un organe double ayant deux orifices et deux passages distincts, comme chez les marsupiaux, à celle d’un organe unique ne présentant d’autres indices de duplication qu’un léger pli interne, comme chez les singes supérieurs et chez l’homme. On observe chez les rongeurs toutes les séries de gradations entre ces deux états extrêmes. Chez tous les mammifères, l’utérus se développe de deux tubes primitifs simples, dont les portions inférieures forment les cornes, et, suivant l’expression du Dr Farre, « c’est par la coalescence des extrémités inférieures des deux cornes que se forme

    au-dessus du nombril ; Meckel Von Hemsbach pense trouver l’explication de ce phénomène dans le fait que des mamelles médianes se présentent quelquefois chez certains Cheiroptères. En résumé, nous pouvons douter que des mamelles additionnelles se seraient jamais développées chez l’homme et chez la femme si leurs ancêtres primitifs du genre humain n’avaient pas été pourvus de plus d’une seule paire de mamelles.

    Dans le même ouvrage, j’ai, avec beaucoup d’hésitation, attribué au retour les cas de polydactylie fréquents chez l’homme et chez divers animaux. Ce qui me décida en partie fut l’assertion du professeur Owen ; il assure que quelques Ichthyoptérigiens possèdent plus de cinq doigts ; j’étais donc en droit de supposer qu’ils avaient conservé un état primordial. Mais le professeur Gegenbaur (Jenaische Zeitschrift, vol. v, p. 341) conteste l’assertion d’Owen. D’un côté, en se basant sur l’hypothèse récemment mise en avant par le Dr Günther qui a observé dans la nageoire du Ceratobus des rayons osseux articulés sur un os central, il ne semble pas qu’il soit très difficile d’admettre que six doigts ou plus puissent reparaître d’un côté ou des deux côtés par un effet de retour. Le Dr Zouteveen m’apprend qu’on a observé un homme qui avait vingt-quatre doigts aux mains et aux pieds. Ce qui m’a surtout porté à penser que la présence de doigts additionnels est due au retour est le fait que ces doigts sont non seulement héréditaires, mais encore comme je le croyais alors, que ces doigts ont la faculté de repousser après avoir été amputés, comme les doigts normaux des vertébrés inférieurs. Mais j’ai expliqué dans la seconde édition des Variations à l’état domestique (Paris, Reinwald, 1880) pourquoi j’ajoute peu de foi aux cas où l’on a observé cette régénération. Toutefois il importe de remarquer, car l’arrêt de développement et le retour ont des rapports intimes, que diverses structures dans une condition embryonnaire telle que le bec-de-lièvre, l’utérus bifide, etc., sont souvent accompagnées par la polydactylie. Meckel et Isidore Geoffroy Saint-Hilaire ont vivement insisté sur ce fait. Mais dans l’état actuel de la science, il est plus sage de renoncer à l’idée qu’il n’y a aucun rapport entre le développement de doigts additionnels et un retour à l’état d’un ancêtre primitif de l’homme.