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BAHIA BLANCA.

fréquentent par couples, ou en petites bandes, les endroits les plus désolés, où toute autre créature pourrait à peine exister. Quand on s’approche d’eux, ils se blottissent sur le sol, dont on peut alors difficilement les distinguer. Ils marchent assez lentement, les pattes fort écartées, pour chercher leur nourriture. Ils se couvrent de poussière sur les routes et dans les endroits sablonneux et fréquentent des endroits particuliers, où on peut les rencontrer régulièrement tous les jours. De même que les perdrix, ils prennent leur volée par bandes. Sous tous ces rapports, par son gésier musculaire adapté à une nourriture végétale, par son bec arqué, par ses narines charnues, ses pattes courtes et la forme de son pied, le Thinocorus ressemble beaucoup à la caille. Mais, dès que cet oiseau se met à voler, son aspect tout entier change ; ses longues ailes pointues, si différentes de celles des gallinacés, son vol irrégulier, le cri plaintif qu’il fait entendre au moment du départ, tout rappelle la bécasse ; tant et si bien que les chasseurs qui se trouvaient à bord du Beagle ne l’appelaient jamais que la « bécasse à bec court. » Le squelette du Thinocorus prouve, en effet, qu’il est allié de très-près à la bécasse, ou plutôt à la famille des gralles.

Le Thinocorus est allié de très-près à quelques autres oiseaux de l’Amérique méridionale. Deux espèces du genre Attagis ont, sous presque tous les rapports, les habitudes de la gelinotte ; l’une de ces espèces habite, à la Terre de Feu, les régions situées au-dessus de la limite des forêts, et l’autre juste au-dessous de la limite des neiges de la Cordillère dans le Chili central. Un oiseau d’un autre genre très-voisin, le Chionis alba, habite les régions antarctiques ; il se nourrit de plantes marines et des coquillages qui se trouvent sur les rochers alternativement couverts et découverts par la marée. Bien qu’il n’ait pas les pieds palmés, on le rencontre souvent, en raison de quelque habitude inexplicable, à de grandes distances en mer. Cette petite famille d’oiseaux est une de celles qui, par ses nombreuses affinités avec d’autres familles, ne présentent aujourd’hui que difficultés au naturaliste nomenclateur, mais qui contribueront peut-être à expliquer le plan magnifique, plan commun au présent et au passé, qui a présidé à la création des êtres organisés.

Le genre Furnarius comprend plusieurs espèces, tous petits oiseaux, vivant sur le sol et habitant les pays secs et ouverts. Leur conformation ne permet de les comparer à aucune espèce européenne. Les ornithologistes les ont généralement placés au nombre des grimpeurs, bien qu’ils aient des habitudes presque absolument