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HOSPITALITÉ.

un nid d’autruche contenant vingt-sept œufs. Chacun de ces œufs pèse, dit-on, autant que onze œufs de poule, ce qui fait que ce seul nid nous fournit autant d’aliments que l’auraient fait deux cent quatre-vingt-dix-sept œufs de poule.

11 septembre. — Les soldats appartenant à la posta suivante veulent retourner chez eux ; or comme, en nous joignant à eux, nous serons cinq hommes tous armés, je me décide à ne pas attendre les troupes annoncées. Mon hôte, le lieutenant, fait tous ses efforts pour me retenir. Il a été extrêmement obligeant pour moi ; non-seulement il m’a nourri, mais il m’a prêté ses chevaux particuliers, aussi je désire le rémunérer de quelque façon que ce soit. Je demande à mon guide si l’usage me permet de le faire, et il me répond que non ; il ajoute que, outre un refus, je m’attirerais probablement une parole comme celle-ci : « Dans notre pays, nous donnons de la viande à nos chiens, ce n’est certes pas pour la vendre aux chrétiens. » Il ne faut pas supposer que le rang de lieutenant dans une telle armée soit la cause de ce refus de payement ; non, ce refus provient de ce que, dans toute l’étendue de ces provinces, chacun, tous les voyageurs peuvent l’affirmer, considère la pratique de l’hospitalité comme un devoir. Après avoir fourni un galop de quelques lieues, nous entrons dans une région basse et marécageuse qui s’étend vers le nord, pendant près de 80 milles (123 kilomètres), jusqu’à la sierra Tapalguen. Dans quelques parties, cette région consiste en belles plaines humides recouvertes de gazon ; dans d’autres, en un sol mou, noir et tourbeux. On y rencontre aussi de nombreux lacs fort grands, mais peu profonds, et d’immenses champs de roseaux. En somme, ce pays ressemble aux plus belles parties des marécages du Cambridgeshire. Nous avons quelque difficulté, le soir, à trouver, au milieu des marais, un endroit sec pour y établir notre bivouac.

15 septembre. — Nous partons de bonne heure. Bientôt nous passons auprès des ruines de la posta, dont les cinq soldats ont été massacrés par les Indiens. Le commandant avait reçu dix-huit coups de chuzo. Au milieu de la journée, après avoir galopé pendant fort longtemps, nous atteignons la cinquième posta. La difficulté de nous procurer des chevaux nous y fait passer la nuit. Ce point est le plus exposé de toute la ligne, aussi y a-t-il vingt et un soldats. Au coucher du soleil, ils reviennent de la chasse, apportant sept cerfs, trois autruches, plusieurs tatous et un grand nombre de perdrix. Il est d’usage, quand on parcourt la plaine, de mettre le feu